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Ce que je veux être quand je serai grande
Elle dit :
"Tiens, t'as retrouvé ton petit banc"?
Moi, je réponds rien.
Des fois les mots c'est pas la peine.
C'est là, c'est mon banc, c'est ma place à moi. Un coin, tout petit, entre ses chaussons, le fauteuil en osier, le gros buffet avec des dessins dans son bois.
C'est mon monde. Il est chaud. Il me rassure, me suffit. J'ai tout juste la place pour bouger quand je sens des fourmis dans mes jambes mais je trône là, dans ce royaume. Qu'on ne me bouge pas de là, jamais. Ici c'est le pays sans parents et sans temps. Les mots des autres restent dehors. Ils se perdent dans l'air, ils rebondissent comme des ballons contre des fenêtres invisibles qui les renvoient très loin avec un bruit élastique et qui ne cassent même pas.
Elle a raison, moi plus tard je veux être comme elle. C'est bien de pouvoir choisir les mots qu'on veut entendre en laissant tous les autres à la porte, comme des personnes malpolies et gênantes qu'on n'aurait pas envie d'inviter chez soi.
Maintenant je sais, je vais leur dire ça quand ils reviendront m’embêter avec leur bête question :
" Tu veux être quoi quand tu seras grande ?
- Sourde."
Ah leur tête...!
"La Belle entente", Ed. Publibook, 2009
Certains d'entre vous connaissent ou auront reconnu ce texte.
Il s'agit d'un extrait d'une de mes toutes premières oeuvres, où je parle de mon arrière-grand-mère. Ceux qui ont lu ce petit livre savent que c'est un peu grâce à elle (et à vous !) que j'ai trouvé, un jour, le courage de croire assez à ce que j'écrivais (le plus souvent dans le plus grand secret) pour oser le montrer à d'autres.
C'est aujourd'hui la fête de ma Mémé et j'avais envie de lui faire ce petit clin d'oeil...
"La Belle entente" est toujours éditée chez Publibook, suivi d'un autre texte court, fictif celui-là, sur la maladie d'un enfant.
Des lecteurs ont gentiment pris le temps de laisser leur avis sur ces deux histoires ICI .
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Commentaires
Bien sûr j'ai reconnu ton texte qui résonne particulièrement en moi. Ca a été un véritable coup de coeur pour moi, tu le sais. Un des seuls livres que j'ai lus plusieurs fois.
WOUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUh ! Ca c'est un compliment !!! J'ai l'air fine maintenant, en colibri rose...
Si tu veux l'offrir à qq'un, je viens d'en récupérer 7 exemplaires chez l'éditeur que je peux dédicacer.
Mais ce qui reste, "bon" ou "mauvais", c'est toi, c'est ce que tu es, ce qui t'a fait... Ton commentaire me fait penser à cette chanson de Grand Corps Malade que j'adore, la connais-tu ? (écoute bien la fin, tu comprendras pourquoi).
http://www.youtube.com/watch?v=q4Cba3sNZ3M
J'y penserai si j'ai des cadeaux à faire mais je n'ai pas bcp de lecteurs autour de moi, malheureusement.
Bonne journée. BB
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que le temps passe vite, maintenant on est grand, mais les souvenirs restent, les bons et les mauvais.
Bonne journée
Gérard