• Des riens qui fracturent la vie

     

     

    L'exceptionnel ? C'est l'ordinaire. C'est un visage. C'est une marguerite dans un pré. C'est une parole inouïe entendue quelque part. 

     

     

    (...) Quand le miracle arrive, vous le savez. Si vous me demandez quels sont les vrais trésors aujourd'hui, à l'heure qu'il est, à cette époque de ma vie, je répondrais : la patience et l'humeur bonne. Oui : une bonne humeur. J'ai entendu, il n'y a pas longtemps, un plâtrier siffler, mais - comment dire...? - il avait mille rossignols dans sa poitrine, il était dans une pièce vide, il enlevait un vieux papier peint, il était seul depuis des heures à cette tâche et il sifflait. Et cette image m'a réjoui et j'ai eu comme l'intuition que cette humeur-là rinçait la vie, la lavait, comme si cette gaieté de l'artisan réveillait jusqu'à la dernière et la plus lointaine étoile dans le ciel. Ça, vous voyez, ce sont des riens, des moins que rien, des micro-événements, des choses minuscules, mais ce sont ces événements qui fracturent la vie, qui la rouvrent, qui l'aident à respirer à nouveau. Lorsque de tels événements adviennent, croyez-moi, vous le savez. Vous le savez parce qu'une sorte de gaieté vous vient. C'est sans valeur marchande, la gaieté, sans raison, sans explication ! Mais c'est comme si, tout d'un coup, la vie elle-même passait à votre fenêtre avec une couronne de lumière un peu de travers sur la tête.  

     

     

    (...) Il s'agit juste de faire un pas de côté, mais ce pas de côté fait que vous arrivez au paradis. Un paradis qui se trouve non pas ailleurs et demain mais ici et maintenant. (...) 

     

     

    - Les esprits grincheux vont encore dire : "Vous êtes devenu mièvre, Christian Bobin..." Que signifie cet éloge des marguerites dans un pré, des planètes lointaines, du plâtrier qui siffle?

     

     

    [Il éclate de rire.]

    Mais la réponse est très simple : nous n'avons que ça. Nous n'avons que la vie la plus pauvre, la plus ordinaire, la plus banale. Nous n'avons, en vérité, que cela. (...) Non, je ne suis pas mièvre. Je parle de l'essentiel, tout simplement. Et l'essentiel, c'est la vie la plus nue, la plus rude, celle qui nous reste quand tout le reste nous a été enlevé. Je vais à l'essentiel. Je ne fais pas l'apologie de quelque chose qui serait simplet. La marguerite dans son pré, le plâtrier qui siffle, les planètes lointaines : voilà, au contraire, quelque chose qui est rude, émerveillant, parce que ces choses résistent à tout."

     

     

                                                              Christian BOBIN

     

          

    ... dans la très belle interview de François BUSNEL publiée dans "L'express" à l'occasion de la sortie de son dernier livre : "L'Homme-joie". A lire ici.

     


  • Commentaires

    1
    Mardi 3 Septembre 2013 à 16:24

    Merci Midolu, malheureusement j'arrive trop tard pour participer... et pour acheter le livre, je ne trouve pas les commentaires sous l'article mis en lien.

    2
    midolu
    Jeudi 20 Novembre 2014 à 09:11

    La marguerite dans son pré, ça pourrait être une de celles qui composent les possibles des Anthologies Ephémères ... 

    http://les-anthologies-ephemeres.over-blog.com/

    Bonne soirée !

    3
    midolu
    Jeudi 20 Novembre 2014 à 09:11

    Bonjour Ptitsa, moi de même, je n'ai pas pu participer cette fois-ci.

    Pour la souscription, il faudrait laisser un commentaire pour Quichottine ici :

    http://les-anthologies-ephemeres.over-blog.com/article-la-marguerite-des-possibles-lancement-de-la-souscription-119664951.html

    Bonne fin d'après-midi chez toi. 

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :