• Travelling

     

     

     

     

    Trois mois que tu m’écrases. Chaque fois que je me redresse, à nouveau tu me piétines. Mais même si, du matin au soir, tu me marches sur la tête, mon intelligence simple me souffle qu’en vérité, c’est toi qui marches sur la tienne. Foi de brin d’herbe…

     

    Neuf siècles que tu me grimpes dessus. Que tu te presses contre moi. Que tu m’assailles de ton désir cupide… Tes billets ont poussé autour de moi comme des champignons. Récemment sont apparues tes étincelles sans lumière, avides elles aussi, voleuses d’images ; elles crépitent de tous côtés dans une atmosphère d’orage. Sous mes yeux stupéfaits, une nouvelle guerre s’est déclarée autour de moi: celle de la meilleure photo, la plus originale, la mieux cadrée, la plus valorisante surtout pour ton profil Facebook… Tu crois que je ne sais pas ce que c’est ? Bien sûr, tu crois que je ne perçois rien de ton petit manège. Tu trouves juste que ça fait « branché » d’avoir posé à côté de moi, tu m’exhibes parmi tes souvenirs comme un trophée. De guerre lasse, j’ai au moins trouvé un stratagème pour t’empêcher de me monter dessus. En masse… Je penche maintenant suffisamment pour que mon ascension te soit interdite. Tu n’as plus de prise sur la tour de Pise (sauf celle de tes satanées mitrailleuses-cliqueuses). Ma pierre s’enfonce dans les sols meubles sans que tu soupçonnes la véritable cause de mon déséquilibre. Tu ne pénètreras plus l’intimité de mon corps blanc. Tu décrètes que les pierres n’ont pas de conscience. Mais toi ? …

     

    Cinq millions d’années que je te contrôle. Que je tire les ficelles de ta pauvre intelligence dans l’obscurité. Ton actualité me laisse penser que j’ai encore un avenir prometteur devant moi. Tapie depuis ta Préhistoire dans la zone la plus reptilienne de ton cerveau, je te dirige et te manipule presque sans entraves. Tu ne te doutes même pas que je te gouverne. Moi, la grande Peur surgie du fond des temps, l’insécurité première et viscérale sur laquelle se base toute ta petite vie.

     

    Quatre milliards et demi d’années que je brûle de m’ingérer dans tes affaires. Que je me désole du spectacle qui, faisceau après faisceau, entre dans ma lumière. Je continue à prendre soin de toi, l’enfant terrible de ma galaxie. Je continue à accepter patiemment que tu déshonores notre grande famille, et j’ai même encore assez de bonté pour te laisser utiliser ma chaleur et ma lumière pour tes nouvelles énergies « propres »… Il est heureux pour toi que je n’aie pas de volonté « propre ». Moi qui pourrais te détruire d’une seule éruption, parfois, je suis tenté de faire place nette sur ta planète pour te redonner une chance, pour ne plus bouillir ainsi de colère, de désespoir, de honte. Tu as de la chance que je ne sois pas roi, - un roi-Soleil aussi absolu que cet ancêtre à toi qui usurpa mon nom…

     

    Des années-lumière que j’espère. Que tu mets mon amour à l’épreuve, seconde après seconde. Que je te défends, te soutiens, te protège contre la vindicte qui enfle. Que je t’épaule en silence avec une fidélité sans faille. Tous m’ont réclamé ta suppression. Surtout ces derniers temps... ces temps derniers. La Civilisation, la Nature, la Terre… plus personne ne te supporte. Même les habitants des planètes dont tu ignores l’existence s’inquiètent de te voir mettre en danger l’univers entier… comment pourrions-nous te laisser faire sa « conquête » ?! Le chœur du monde est unanime : tu es la verrue du cosmos. Tu es le paria de la Création. Tu es le Raté d’entre toutes les espèces.

     

    Il n’y a plus que moi pour te soutenir.

    Il n’y a plus que moi qui croie en toi, qui ne crois pas en moi.

     

    Maintenant, m’aideras-tu ?

     

     


  • Commentaires

    1
    Samedi 22 Décembre 2012 à 18:29

    je crois que tu parles de Dieu et lui seul connais la date de la fin du monde, la profondeur de nos sentiments la route qui nous est tracée

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