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Par *Sylvie Ptitsa* dans Graines d'à plusieurs (pour "Passeurs d'espoirs") le 2 Février 2008 à 10:34
2 février...
Je me souviens.
L'an dernier à la même époque
Je gis sur un lit d'hôpital
La ventre labouré
La tête broyée par un étau de glace
Les bras bleus d'être perforés
Des fils plein les veines...
Je me souviens.
Moi qui n'ai jamais rien connu de plus grave
Qu'une grippe, une bonne gastro ou quelques points de suture
Je découvre brutalement la douleur physique
La totale, l'implacable, la vraie
Celle qui foudroie sur place
Celle qui fait hurler comme une bête
Celle qui anéantit tout sur son passage de feu
Toute raison, toute pudeur, toute pensée
Juste l'envie qu'elle finisse
Fût-ce au prix de l'évanouissement
Fût-ce, s'il le faut, en me tapant la tête contre les murs
Jusqu'à ne plus sentir...
Je croyais avoir le plus dur derrière moi
Et je découvre que le pire est encore à venir
Qu'une souffrance chasse l'autre
Terrifiant ressac
Mon corps
Devenu fou
N'est plus qu'un étranger
Une menace imprévisible
Un ennemi intime
Un dictateur sadique
Qui me lie dans la peur panique
Du prochain caprice qui va le traverser...
Je me souviens.
Des nuits d'insomnie.
Des cris dans les couloirs.
De la peur d'appeler.
Du décompte des heures qui me séparent
Du droit de mendier mon prochain calmant.
De la solitude... immense, désertique, accablante
De la fatigue, de la lassitude, de l'abattement
Des larmes qui vont et viennent
Sans ordre, sans conscience, sans pourquoi
De ma chair qui n'est plus qu'une plaie vive
Et que je ne trouve plus comment habiter...
Je me souviens...
De la honteuse, affreuse, pesante dépendance...
Me sentir sale.
Ne pas pouvoir aller seule aux toilettes.
Uriner dans un bassin qu'on me tient sous les reins.
Macérer dans mes draps, en sueur,
A cause de cette housse en caoutchouc
Qui recouvre le matelas
Et qu'on ne doit pas retirer
"C'est plus facile à nettoyer"!...
Etre lavée au gant
Attendre qu'on daigne changer mon pansement
Ou m'expliquer ce qui m'attend
Et comment la situation peut évoluer...
J'essaye d'en rire, toujours.
De rester positive.
Les soignants, les médecins apprécient.
Je m'accroche à mon humour
Comme une naufragée à son morceau d'épave.
Mais combien de temps tiendrai-je ?
Lequel d'entre eux soupçonne
Le visage défait, les traits tirés
Et les larmes refoulées derrière la porte
Une fois refermée ?
Je me souviens, encore.
Du défilé des infirmières.
Presque jamais les mêmes.
Equipe de jour, de nuit, de semaine, de week-end...
A peine le temps d'apprivoiser un sourire, un visage
Qu'ils sont déjà remplacés par d'autres.
Celles dont le dévouement et la bonté
Me chavirent le coeur, aujourd'hui encore.
Et celles dont l'usure, le stress, la sécheresse agacée
Décuplent le lancinant cauchemar de mes nuits.
Celle qui manipule mon enfant
Comme un paquet hurlant, sans coeur, sans âme
Et moi qui dois rester LA
Crucifiée à ce lit
Sans pouvoir me lever et aller le serrer dans mes bras
Pour le consoler !
Celle qui me refuse un verre d'eau
Sous prétexte que j'ai déjà bu
L'unique bouteille quotidienne
A laquelle me donne droit mon forfait
Et qu'il n'est pas encore minuit
Pour avoir droit à la suivante !...
Se souvient-elle, cette fonctionnaire consciencieuse
Que je ne peux même pas me traîner jusqu'au lavabo ?
Suis-je censée demander pardon d'avoir soif
Jusqu'à ce que le calendrier lui redonne droit à la clémence ?!
Et celle qui me reproche l'état de mes veines
Parce qu'elle n'arrive pas, piquant et repiquant
A y planter sa perfusion
Qu'y puis-je si on m'a tant lardée d'aiguilles
Que mes avant-bras sont bandés comme ceux d'une suicidée ?
"Est-ce ainsi que les hommes vivent"
Et traitent leurs semblables
Les plus démunis ?...
Piqués dans ce fatras
Comme étoiles contre une voûte sombre
Des bonheurs infimes, fragiles, inexplicables
Trouées de lumière ténue dans un ciel d'apocalypse...
La tendresse d'un jour neigeux filtrée par les voilages...
La veilleuse d'infortune
Bricolée pour baliser mes nuits
De sa lueur rassurante...
Les desserts nocturnes qu'une infirmière m'apporte,
Prélevés sur son propre plateau repas,
Parce que mes propres rations ne suffisent pas à me nourrir...
Les paroles rassurantes... les gestes effectués avec douceur...
Les fleurs inattendues, envoyées par des gens qui ne me connaissent même pas...
L'insouciance des toutes jeunes stagiaires, qui demandent à me prendre en photo
Et me mitraillent de flashs comme si j'étais une star de la Croisette !
(J'en ris encore...)
La présence, discrète mais chaleureuse, de la famille, des amis...
Mon mari adorable, admirable, qui ne compte pas sa fatigue
Court sans arrêt ici et là pour régler les formalités, faire les courses,
Entretenir la maison, donner de mes nouvelles, apporter les affaires,
... Afin qu'à mon retour, je n'aie à m'occuper de rien.
Le sourire de mon fils.
Le bouleversant, inoubliable, indescriptible sourire de mon fils
Qui me donne les forces que je ne trouve plus en moi-même
Quand je me sens usée jusqu'à la dernière fibre.
Larmes de gratitude.
Comment tiennent les malades
Qui n'ont pas autour d'eux de telles perles
Pour rendre leur épreuve supportable ?
Au sortir de cette traversée des ténèbres,
Je me fais deux promesses :
UN
Je ne cracherai plus sur la médecine allopathique,
Cette médecine dont je me suis tant moquée,
Tellement méfiée et détournée...
Parce que quand le corps supplicié crie grâce
C'est tellement mieux d'avoir un anesthésiant ou un bon antalgique
Plutôt qu'une tisane bio pour le soulager...!
DEUX
Tous les jours de ma vie,
Je porterai dans mon coeur
Les gens pour lesquels ce que j'ai vécu
Est une réalité quotidienne
Ceux pour qui le calvaire ne dure pas seulement
Quelques interminables jours,
Mais des mois, des années, parfois une vie entière
Ceux pour qui les mots espoir, amélioration, rémission, guérison
Ne signifient plus rien, ni aujourd'hui, ni demain.
Aujourd'hui je vais bien,
Je suis heureuse, ma vie est revenue à l'endroit
Mais je n'ai RIEN oublié.
Ni ma visite des enfers, ni mes promesses, ni les joies
Minuscules, radieuses, incandescentes
Que j'y ai rencontrées
Le véritable prix des choses importantes.
Alors, voilà...
Je ne peux pas aider tout le monde.
Je ne peux pas empêcher ce qui est.
Je peux juste tendre la main
Témoigner
Encourager
Tenter le peu qui m'est possible
En espérant toucher au bon endroit.
Ce blog, la communauté
Des "Passeurs d'espoirs"
Sont nés de là.
Les racines dans la honte, dans le sang.
Que ma cicatrice
Me garde
De perdre jamais
Cette mémoire cachée
Qui est mon amie
Et la vôtre.
Ptitsa
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Après l'avoir attendue longtemps
Surprendre, le nez collé au carreau
Le ballet de tutus graciles
De la toute première neige !...
(c) Ptitsa
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(c) Ptitsa
Deux p'tits suisses
Font quatre heureux :
Moi qui goûte
Cata et Strophe (nos minous)
Qui auront le droit de lécher le fond du bol
Et Maman qui partage son dessert avec nous !
ELLE EST PAS BELLE, LA VIE ?!...
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Plus je vieillis, plus je vois que la seule chose qui ne vieillit pas, ce sont les rêves.
Jean COCTEAU
Merci à Rainette (http://rainetteland.over-blog.fr) d'avoir été la 700e visiteuse de mon jardinet ! Une grenouille en anniversaire... Voilà qui prédit de beaux jours de soleil sur mes plates-bandes, non ?
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